L'enragé par Sorj Chalandon Grasset

"L'enragé " est un roman tiré d'un fait réel dont l'action se déroule à Belle Ile en Mer, dans une ambiance qui n'est pas celle un peu fleur bleue de la chanson bien connue de Laurent Voulzy...

Dès les premières pages de ce roman, des images bien réelles me sont revenues en mémoire, alors que nous passions des vacances, il y a une vingtaine d'années à Belle Ile. Plus intéressés par les sites insolites que par les nids à touristes, nous avons par hasard pénétré dans une propriété privée, isolée, interdite au public.

Des broussailles, des ronces, pas de sentiers, mais des bâtiments délabrés qui nous ont semblé être ceux d'une colonie de vacances désaffectée, mais derrière, plus loin, un cimetière d'enfants de plusieurs dizaines de tombes, à même la terre, avec de petites croix blanches sur lesquelles on pouvait encore lire des noms et des dates, abandonnées à la végétation.

Renseignements pris auprès des habitants, on nous a dit, sans précision qu'il s'agissait d'une ancienne maison de redressement, fermée depuis longtemps suite à une épidémie (fièvre espagnole) qui avait décimé toute la population de cet établissement. sic

C'était " le bagne" dont Sorj Chalandon nous conte l'histoire.

Sorj Chalandon, écrivain, journaliste à Libération n'est pas un novice en littérature, il nous livre l'histoire de cette colonie pénitentiaire pour mineurs, une histoire puissante, violente, âpre, oppressante jusqu'à son dénouement.

En 1880, elle recueillait les petits voyous des villes, les brigands des campagnes, voleurs de poules et de pommes, les déchets des orphelinats, les raclures de l'Assistance Publique... que l'Administration pénitentiaire voulait remettre "dans le droit chemin", les mener "au bien" à coups de triques, de punitions, battus, violés, et, mal nourris...

Or, un jour, 56 d'entre eux se sont rebellés, se sont enfuis de leur geôle, pour se retrouver prisonnier d'une l'ile...Tous ont été repris, sauf un " La Teigne" et c'est son histoire que Sorj Chalandon nous raconte.

"Je me suis glissé dans sa peau, celle d'un enfant battu, qui me ressemble, la métamorphose d'un fauve, né sans amour, d'un enragé, obligé de desserrer les poings pour saisir les mains tendues "nous dit il.

C'est violent, tragique, poignant, mais plane comme une rédemption sur la laideur de ce monde dans ce difficile mais superbe roman de Sorj Chalandon.

Etienne Remaud,