"L'art de perdre" par Alice Zeniter Flammarion

Perdre la guerre, perdre sa terre, perdre sa langue maternelle, tout perdre, dans son livre "l'Art de perdre", Alice Zeniter nous fait vivre avec 3 générations meurtries par la guerre d'Algérie. Une fiction magnifique commençant par le grand père, kabyle, harki, pour réparer les silences et les non dits d'une guerre occultée par les discours officiels, parce que l'histoire est toujours écrite par les vainqueurs.

Pour l'ancien "Combattant d'Algérie" que je suis, 24 mois dans l'Oranais, ce livre récompensé à plusieurs reprises, en 2017, Prix littéraire du Monde, Prix des Journalistes du Point, nombreux prix étrangers, et enfin, Goncourt des Lycéens, a ravivé dans ma mémoire de multiples images souvent contrastées de ce beau pays, l'autre face du miroir, celle qu'on ne voit pas quand on est dans l'action...Mélange du devoir accompli au poste que j'occupais à la Préfecture d'Oran/Mostaganem et de regrets de n'avoir pas tout vu ...ni tout compris des drames qui se jouaient.

Alice Zeniter née en 1986 à Clamart, d'origine algérienne, petite fille de kabyle, française, diplômée de Normale Sup de la rue d'Ulm, Enseignante à la Sorbonne, écrivain et dramaturge , "l'Art de perdre" est son 5ème roman.

Un roman audacieux, prenant, juste sur les non dits de la Guerre d'Algérie" qui ne raconte pas la vie des héros, ni celle des tortionnaires de tous bords mais dans sa première partie, celle que j'ai appréciée particulièrement, l'odyssée d'une famille de harki, respectable, déracinée et qui échangera ses oliviers, ses montagnes et son soleil pour le ciel tristounet d'une HLM normande.

Les deuxième et troisième partie nous livrent le destin des deux générations suivantes, prisonnières d'un passé tenace qui les interroge, un grand moment sur la difficile liberté d'être soi même avec l'héritage d'un  passé que l'on n'a pas. connu.

Alors que la France est secouée par les questions identitaires, la prouesse d'Alice Zeniter est de nous faire vivre cette odyssée sans régler les comptes avec le passé "colonialiste" de la France et la culpabilité mortifère qui accompagne toujours les fins de conflit..

.Au delà des souvenirs de la Guerre d'Algérie que ce roman évoque, ce livre, est avant tout un roman sur les drames de l'exil voulus ou non.

C'est un très, très  beau roman, je vous le recommande vivement.

Etienne Remaud