Emmanuelle Charpentier, Prix Nobel de Chimie 2020

Cette généticienne française, qui a fait toute sa carrière à l'étranger, actuellement Directrice d'un Laboratoire de Recherches en Allemagne n'est pas une inconnue dans la communauté scientifique. Elle vient d'être récompensée en duo avec l'américaine Jennifer Doudna du prestigieux Nobel de chimie 2020, après Marie Curie en 1906, et les Joliot Curie en 1935, pour leur découverte des ciseaux à découper l'ADN.

Ces ciseaux, qui ne ressemblent pas à ceux de nos couturières, car ils sont moléculaires  CRISPR-Cas9 permettent d'isoler et de supprimer dans la chaine de l'ADN, support de l'hérédité, un gène, ou bien de le remplacer par un gène similaire provenant d'un autre individu, comme nous le faisons couramment en utilisant le traitement de texte sur un ordinateur.

En fait E. Charpentier et J. Doudna n'ont pas fait cette découverte par hasard, un beau matin, mais elles ont apporté la touche finale à une longue série de travaux commencés il y a bien longtemps dans des dizaines de laboratoires de recherches qui ont au fil des années apportés leur pierre à l'édifice. Ce qui est le cas pour pratiquement toutes les découvertes scientifiques actuelles.

Ce prix Nobel de Chimie aurait pu être attribué à au moins une douzaine de chercheurs qui dans des laboratoires différents ont participé à cette découverte aurait elle déclaré.

C'est leur publication, la première en 2012 de la faisabilité de cette technique dans une revue scientifique et les nombreux brevets déposés qui a permis à ces deux généticiennes d'obtenir ce prix, au grand dam des laboratoires concurrents.

Le champ offert par cette découverte serait infini, et comme l'inconnu, il donne le vertige et fait peur. Citons par exemple, la suppression de substances allergènes dans certaines plantes, la greffe de gènes rendant plus résistant à la sècheresse certains végétaux, la réparation des mutations géniques responsables de maladies orphelines, la résistance accrue de cellules contre le cancer chez les humains et autres maladies des végétaux, la fabrication d'organes humains élevés sur des porcs ...

On le comprend, les enjeux sont énormes et posent de nombreuses questions d'éthique quand on touche le génome humain. Les grands producteurs de semences( Monsanto, Bayer, Vilmorin ...) qui ont vite compris tout l'intérêt qu'ils pouvaient tirer de cette technique ont déjà acquis des licences d'utilisation.

CRISPR-Cas9 est un bel outil pour le meilleur ou pour le pire, tout dépend de l'utilisation que l'on veut en faire. Le chercheur chinois qui a osé créer deux bébés génétiquement modifiés, Lulu et Nana en 2014 a été mis au ban de la communauté scientifique et est toujours en prison. Plus récemment, la Cour européenne de Justice dans un arrêt a assimilé les plantes modifiées à l'aide du du CRISPR-Cas9 à des OGM, toujours interdits en France...

L'usage incontrôlé de cette technique de progrès ne peut être laissée aux apprentis sorciers, les autorités morales et politiques  doivent en fixer les limites dès maintenant, il est encore temps d'agir.

Etienne Remaud,